Si Roméo, mon chat, (pardon, mon amour de chat noir, mon "bébéchanoir",
mon "roro d'amou-mour",) avait un agenda, ce serait un tout petit
agenda car il a des toutes petites pattes, mais ce n'est pas là que je
veux en venir. Donc si Roméo avait un agenda, il aurait un seul
rendez-vous par an de noté dedans : le rappel de vaccin,
l'incontournable rendez-vous avec le vétérinaire. Je dis
l'incontournable car d'autres imprévus s'ajoutent quand même dans
l'année, comme une allergie aux aoûtats, un oeil qui coule et que
sais-je encore.
Mais revenons à nos chatons. Hier était LE jour
fatidique du rappel de vaccin annuel. Quittage de boulot à 17h45,
arrivage maison à 18h15, attrapage de chat à 18h20, enfermage dans la
"boîte-à-chats" à 18h25, démarrage de la voiture à 18h28, arrivage chez
le vétérinage à 18h40... à 19h30 maxi je serais chez moi, prête à
réviser mon concours "de dans 2 jours". Mon programme était serré, mais
pile poil comme il fallait, et la perspective de cette organisation
digne d'une executive woman qui concilie vie professionnelle et
familiale (ou plutôt féliniale) me plaisait bien.
J'arrive donc
à la maison, avec 5 minutes de retard, merci les convois exceptionnels.
Le chat est comme un lion en cage, enfermé depuis 17h pour être sûre
qu'il serait là à mon arrivée. Mais qu'est-ce que vous croyez ? Que
mettre un chat dans une boîte-à-chats, même si c'est un amour de chat
noir, un "bébéchanoir", un "roro d'amou-mour", c'est simple comme
bonjour ? Que neni ! Malgré la suggestion de ma soeur de poser un petit
morceau de surimi au fond de la cage, je parviens finalement à le
tasser tant bien que mal au fond de ce mouroir en plastique qui lui
laisse à peine de quoi sortir une moustache... Et voilà on pépère
hérissé comme un porc-épic enragé, foelant comme un tigre dans une
boîte à chaussures, posé sur la table, dans sa boî-boîte. 18h26, il va
falloir courir. Ou plutôt rouler, d'ailleurs.
Sortie express,
les clefs dans une main, le chat à poignée dans l'autre, je fonce vers
la voiture, ouvre la portière et dépose acrobatiquement la boîte sur le
siège passager, mais je suis vite arrêtée par une odeur nauséabonde.
Même si je ne suis pas blonde, je me demande l'espace de quelques
secondes d'où vient cette fragrance absolument horripilante, quand je
sens quelque chose d'humide et de chaud vers mon nombril... Le drame !
Ma tunique est auréolée de jaune orangé, (pas du tout tendance cet
automne, à moins d'habiter dans la forêt et de vouloir s'y camoufler,
mais qui pourrait bien avoir envie de vivre dans un arbre avec cette
saison pourrie ?). Il y en a sur le cache-coeur, le siège conducteur,
mes mains, le frein à main... Mon pauvre chat me regarde avec ses yeux
de chat potté (cf Shrek 2), baignant dans son pipi. Pas le temps de
penser à lui, mais pour ma part, hors de question de rester dans cet
état. Déjà que j'ai couru et que j'ai une mèche collée au front... Je
rentre dans la maison, me lave les mains, me déshabille en m'arrangeant
pour que la "tunique parfum pipi, coloris feuille d'automne" ne touche
pas mon visage, me passe une lingette de bébé sur le ventre, et demande
en urgence à ma soeur de m'attraper un tee-shirt. Evidemment, elle m'en
attrape un à elle super moulant en V couleur parme (je suis bien plus
"charnue" qu'elle) mais tant pis, pas le temps de tergiverser. Je
re-saute dans la voiture avec mon chat plein de pipi saucissonnée dans
le tee-shirt parme, telle un jambon (de Parme).
Sur le chemin,
je réalise que je n'ai pas acheté Le Monde aujourdh'ui (oui, je suis
contrainte de lire Le Monde car je vous rappelle que je passe un
concours). A 18h43, je m'arrête à la librairie. Dans le casier du
Monde, plus de journaux. Ils doivent en avoir en réserve. Je m'approche
de la caisse mais je me fais devancer par une maman et son adolescente. "Bonjouuuuuuuuur....... c'est pour
saaaavooooir si vous aveeeeez Germinaaaaaaale de euh.... c'est qui
déjaaaaà ? Ah ouaiiiiiis, c'est de Emile Zolaaaaaaa". Plus gnangnan, tu
meurs. 3 heures pour faire une phrase. Et elle veut la même édition que
c'est copines, sinon "c'est trop la hooooonte". Alors le vendeur, aussi
mou, prend note dans son carnet de commandes. J'assiste à cette scène,
en transe tellement je suis speed, toujours avec cette deuxième peau
parme qui ne laisse échapper aucun détail de mon anatomie et épouse
parfaitement le moindre petit trop-plein de chair qui s'échappe de mon
jean, les cheveux plaqués de sueur, et de moi se dégage un improbable
mélange de pipi de chat hystérique et de bébé poudré au talc qui me
donne la nausée. Mon tour arrive. "Le Monde ? On ne l'a pas reçu
aujourd'hui"....
Je retourne dans ma voiture, énervée, aussi
hérisée que mon chat, direction le véto en me disant que le sujet du
concours sera forcément la Une du Monde d'aujourd'hui.....
En
salle d'attente, y'a du berger allemand, du bichon, du colley... Tout
le monde rit car la boîte de mon chat bouge toute seule en grognant. Au
moins, ça détourne l'attention de mon look insolite. Mon tour arrive,
la véto pique mon chat, (j'hésite d'ailleurs à lui demander de me
vacciner contre la RAGE), l'assistante nettoie la boî-boîte, je paye,
et je repars à ma voiture, absolument frigorifée car je vous le
rappelle, je n'ai qu'un tee-shirt (parme) sur le dos. Impossible
d'entrer dans la voiture sans aérer avant, donc je m'enrhume.
Re-déposage
du chat à sa maison, retour seule à ma maison. Il est 19h54. Besoin
urgent de lingettes désinfectantes pour la voiture et de Febreze. Le
vigile de Champion me dit "mademoiselle, on ferme". Et là, avec mon
look de folle, les yeux injectés de sang, je le fixe et le supplie :
"SVP Monsieur ! Il faut ABSOLUMENT que je nettoie ma voiture ! ". Le
vigile est tellement subjugué qu'il me laisse entrer. Une folle en
sueur, qui sent le pipi de chat, en tee-shirt (il fait 11°C) qui veut
nettoyer sa voiture à 8h du soir sur le parking du Champion..... Ca lui
fera un truc à raconter à sa femme et ses gamins ce soir, au dîner.
Bref,
tout cela pour dire que l'année prochaine, je consulterai le tout petit
agenda de mon Roméo, (pardon, mon amour de chat noir, mon
"bébéchanoir", mon "roro d'amou-mour",) je chercherai le seul
rendez-vous de son année de chat, et ce jour-là, croyez-moi, je poserai
un jour de congé.